mardi 1 décembre 2015

"La vie est belle, le monde pourri."


Coucou !


Voici quelques nouvelles de Mayotte, d’où nous avons assisté avec horreur aux attentats de Paris.  Pour vous éviter de lire quelque chose de trop déprimant, je vais équilibrer cet article en jonglant avec la gravité du sujet, et la légèreté de nos photos sous les tropiques.


Au collège, nous avons tenu une minute de silence avec nos élèves mahorais. Nous en avons parlé avec eux, et j’avais hâte de savoir ce qu’ils en pensaient, où plutôt ce qu’on leur donne à penser à l’école coranique. En effet, 95% des mahorais sont musulmans, et l’on peut se questionner sur leur vision de ces terroristes qui interprètent leur religion à l’envers.


Pour l’instant, il règne à Mayotte un islam tolérant, et aucun discours intégriste n’a pointé jusqu’à mes oreilles. Ouf ! Mais jusqu’à quand ? Parait-il, certains Imams reviennent d’Egypte avec des discours plus radicaux. Heureusement ils sont une minorité, et j’espère qu’ils n’abrutiront pas les jeunes enfants qui répètent sans comprendre ce qu’on leur dicte à l’école coranique (l'arabe n'est pas la langue de Mayotte, les enfants ne comprennent pas tout ce qu'on leur dit d'apprendre par cœur).


Le Moringue : combat traditionnel à mains nues qui oppose deux villages.

Dans cette posture, il attend qu'un rival vienne le défier.

Lui c'est l'inverse, il vient défier un rival en frappant sa main et en le regardant 
dans les yeux. Ça veut dire: viens dans le ring avec moi!


A Mayotte, nous sommes sur une île, et l’idée répandue que l’on s’y sent coupé du monde s’avère vraie. Il est tout à fait possible ici de ne s’inquiéter de rien, de continuer à penser à des soucis futiles et mineurs. Les attentats de Paris ont marqué Mayotte, mais de loin. Un peu comme les attentats en Syrie ont depuis des années marqué la France, mais de loin. Tout change lorsque cela se passe chez nous, dans des lieux que l’on connait, avec des personnes que l’on aime.




Beaucoup d'ambiance dans cette soirée, c'est un vrai spectacle, rythmé au son des tam-tam!


Le Moringue, on y a assisté un peu par hasard. On nous a dit "tiens, ce soir, y'a Hamjago contre M'tsahara, ça vaut le coup, ces deux villages ne peuvent pas s'encadrer". Ha bon? Allons voir... On a été agréablement surpris, nous qui n'avions pas de goût prononcé pour voir des gens se cogner dessus. En fait, il y a tout autour du combat une ambiance très chaleureuse, où le son des tam-tam vous emporte et vous donne presque envie de vous lancer dans l'arène.



C'est ouvert à tous, n'importe qui peut entrer dans le cercle. 
J'y suis pas allé, j'ai estimé ma durée de combat à environ 6 secondes... 

Évacuation de l'arbitre... après un coup perdu!


Ça se passe le soir et ça peut durer toute la nuit, tant qu'il y a des combattants qui veulent se taper sur la gueule. Deux arbitres surveillent et interviennent en général au bout de 40 secondes pour arrêter le combat, et éviter que ça ne dégénère trop. Un homme, armé d'une branche de coco, fouette violemment les jambes des spectateurs pour élargir le cercle qui a tendance à se refermer. A la fin du combat, les arbitres forcent les deux combattants à se serrer la main et à se prendre dans les bras (câlin forcé pour ceux qui se détestent, câlin d'amitié pour les copains qui se sont affrontés). Les mamas encouragent les jeunes. Parfois ce sont des petits de 13/14 ans qui se battent, et la plupart du temps ce sont des "grands". Il n'y a aucune technique de boxe. L'idée, c'est de rentrer la tête et de balancer les bras dans tous les sens, pourvu que ça frappe. Quand ça touche, c'est violent, car les mahorais sont vraiment costauds!

Il y a toute une question d'honneur et de fierté dans le Moringue. Les combattants qui vont défier un rival le font aux yeux de tous, il ne s'agit pas de se dégonfler. Pourtant ça arrive. Le grand mec en short vert dans la photo un peu plus haut n'a eu aucun combattant. Tous les mecs qu'il a "invité" se sont défilés. Il est sûrement connu pour être taré! Ceux qui se défilent sont sifflés gentiment, ou alors sont poussés dans l'arène par leurs copains. C'était vraiment une chouette soirée.


Petite pause culinaire: 

Quand on a le blues du pays, rien de tel qu'un bon Génépi (merci Jack!),
du saucisson et du pâté de campagne (merci les parents!). Vive les colis de la poste!

Nouvelle tentative: petites boules de pain aux raisins!


Pour montrer que des actes d’horreur lointains peuvent choquer mais n’empêchent pas de continuer ses habitudes de vie, il suffit que je vous raconte ce qui s’est passé dans trois villages à proximité du notre. Nous avons appris que certains Mahorais, ceux qui vouent une haine et éprouvent un racisme virulent envers les Anjouanais, ont effectué plusieurs rafles pour les expulser. Ils ont détruit leurs Bangas en tôle et les ont expulsés des villages. Soit disant, tous ces sans-papiers volent dans les champs, apportent des problèmes et devraient rentrer chez eux. Sauf que chez eux, c’est la merde et c’est justement pour ça qu’ils risquent leur vie sur des barques (les "kwasas") pour tenter d’obtenir des soins, une éducation et des papiers à Mayotte. Avant d’être un département français, Mayotte fait avant tout partie de l’archipel des Comores. C’est absolument fou de voir comment certains Mahorais peuvent expulser gratuitement, sans se référer aux autorités, des gens qui à l'échelle du monde sont  leurs voisins, qui ont la même religion, la même couleur de peau, quasiment le même dialecte. Ils oublient que c’est eux qui vivent du bon côté de la pauvreté et n’ont aucune empathie. 

La majorité des sans-papiers de Mayotte sont déposés sur la petite île en face de notre village. Les passeurs les déposent de nuit sur cet îlot. Parfois, des habitants profitent de leur misère en leur faisant croire qu’ils sont déposés à Mayotte. Sauf que cet îlot est à quelques kilomètres de la véritable Mayotte, et c'est trop loin pour y aller à la nage, surtout pour des gens qui n'ont pas appris à nager. C’est alors que certains Mahorais, qui possèdent une barque, leur demandent de grosses sommes d’argent pour les amener sur Terre… C’est à vomir.




Coucher de soleil sur le lagon


J’ai dans une de mes classes de sixième une élève sans papier dont le père, la mère et ses 7 frères et sœurs ont été menacé d’expulsion dans leur village. Comment arrive-t-elle à venir au collège, à apprendre ses leçons et écouter mes cours avec la peur de voir en rentrant ses parents expulsés ou son Banga en tôle détruit ?





Maintenant, assez parlé des choses qui énervent, parlons plutôt des choses agréables. Avec Agathe, on a essayé le wake-board, tracté derrière un bateau. C’était génial. On met du temps à prendre ses repères, mais une fois qu’on se sent à l’aise, les sensations de glisse sont énormes.



Agathe trop fière avec la main en l'air!










La semaine dernière, on a loué un bateau avec des copains pour se balader sur le fameux îlot M’tsamboro, en face de chez nous. La journée a été épique : notre pilote était encore complètement bourré de la veille, il a failli rogner l’hélice de son vieux rafiot contre le fond, et le moteur est tombé totalement en panne à la fin de la journée, au moment de rentrer, quand le soleil déclinait. Il a appelé un copain à lui, pêcheur moins saoul et plus compétent, qui a pu nous ramener sains et saufs !


La plage de l'îlot M'tsamboro, où le jour les mzungus viennent pique-niquer en bateau,
et le soir les clandestins sont déposés...

Petite rencontre avec une raie au bord de la plage


A marée haute, le sable joignant les deux petits îlots Choizil
est recouvert par des vagues qui s'opposent face à face.


Il nous reste quinze jours de boulot avant les vacances. On part pour trois semaines à Madagascar, le long de la Route Nationale 7, entre la capitale, Tana, et Tuléar au sud-ouest. Au programme : 4x4 pour accéder aux randos dans les parcs nationaux, dégustation de zébu, petits restos, musique…

On vous racontera ça dans un prochain article !

Dur le dimanche!





La vie est un câlin,

Faites l’amour, pas la guerre,

Max et Agathe.



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